[Finie] Il Nam Jin ♫ Hold me down, throw me in the deep end, watch me drown ♪♫

18 ans Le 21/Juin/1998 à Jéju (Corée). Coréen Célibataire ￦￦￦ Arrivé il y a 3 mois. Délit mineur: Détention de LSD. Coupable Vierge jusqu'à maintenant. Les Magiciens

Quand un orage, un ouragan ou une tempête approchait sur l’île Jéju, le père Il fermait toujours les volets, rentrait les pots de fleurs et descendait son fils et sa mère à la cave aménagée, un sourire aux lèvres malgré le sifflement perçant du vent. C’était une habitude, c’était sa routine. Un réflexe naturel pour lui. Il les appelait un par un, il allait les chercher s’il le fallait, il prenait un livre ou deux et ils étaient en route pour se mettre en sécurité.

Alors imaginait la panique quand son fils ne répondait pas. Quand son fils n’était nullement à la maison. Ni dans le jardin, ni dans le patio, ni dans sa chambre, ni où que ce soit dans les environs. Les branches battaient contre les fenêtres, la porte claquait, la grand-mère pleurait et le père s’élança sur le chemin de sable pour retrouver son fils, hurlant son prénom, le cœur tambourinant dans sa cage thoracique.

Et quelle surprise lorsqu’il le trouva un appareil à la main, un tuba autour du cou et les yeux pétillant de vie, prenant en photo les éclairs et les feuilles déchiquetées dans les tourbillons. C’était une scène magnifique et remplie d’illusions et de couleurs : Violet, vert, bleu, blanc, ça gronde dans le ciel et ça tape sur le sable mais Nam Jin est un vrai Soleil et il rit et pointe du doigt : « Regarde papa ! Le ciel nous parle ! Peut-être que c’est maman ! »

Parfois, il était dur de lui en vouloir, de le punir et le réprimander, parce que l’enfer qu’est Nam Jin est pavé de bonnes intentions. C’est un paradis caché dans les limbes. Une innocence déchue. Un simple enfant.


Même en grandissant, le garçon gardait les ennuis loin de lui. Il étudiait correctement, ne cherchait pas les disputes et s’intégrait même avec facilité qu’importe où il allait. Voir un peu trop. Il y avait toujours quelqu’un à la maison, toujours des enfants et des rires. Cela mettait du baume au cœur de son père. Lui qui avait perdu sa femme d’épuisement après l’accouchement de ce petit garçon, lui qui avait trouvé toutes les raisons de le haïr, au final, il ne pouvait s’en passer. Il animait sa vie, il l’illuminait et la faisait chanter, danser. Il était devenu son unique raison de vivre.

Alors quand Nam Jin rigolait, lui aussi. Quand Nam Jin s’amusait, lui aussi. Et les dures journées de labeurs paraissaient insignifiantes. Et l’absence d’une femme aussi. Parce qu’il y a toujours du bruit, de bonnes odeurs et des choses à faire. Parce qu’il ne s’inquiétait pas pour son enfant quand il le voyait aussi gai et aimant.

C’est ce qu’il le motiva à bosser encore plus dur, à devenir un père exemplaire et tout faire pour offrir le mieux à sa famille. Il n’avait pas grand-chose au départ alors il ne pouvait que s’améliorer. Il revenait plus tard du boulot, partait plus tôt et bossait même les samedis soirs. Il laissait couler les minutes et les secondes du temps pour pouvoir les rattraper une fois sa mission achevée.

Cependant, dans sa quête de confort et de meilleur, le père Il ne vit pas la santé de sa mère se dégrader et c'est dans son sommeil qu'elle s’éteignit. Elle avait l’air paisible et heureuse. Nam Jin fût triste quelques temps, mais le garçon reprit très vite son optimisme naturel, il n’avait pas peur de la mort, il ne la craignait pas. Nam Jin savait que la mort faisait partie de la vie, de la nature, alors lorsqu’il parlait de sa grand-mère décédée, ses paroles étaient douces et chaudes et il insufflait un peu de beauté dans cette femme âgée maintenant partie. Comment le paternel ne pouvait-il  pas vouloir lui offrir le maximum ? Le père décida donc de prendre le taureau par les cornes et demanda une mutation à Daegu, capitale de l’industrie de la mode, lui permettant ainsi de pouvoir exercer son métier de couturier/pressing à plus grandes échelles.

Le déménagement fût fastidieux à expliquer mais le petit est tellement docile qu’il comprit et le suivit sans chouiner : Il perdait ses amis, sa plongée sous-marine et sa plage étendue à perte de vue, sa maison d’enfance qu’ils durent vendre, son école et son club de photographie pourtant Nam Jin restait cette astre sans pareil qu’il avait toujours été.


Alors c’est bien vrai, ce n’était pas l’éclate au début à Daegu… Son père bossait plus souvent et après le décès de la grand-mère, il n’y avait personne autour de Nam Jin. Le lycée ne se passait pas avec grande joie socialement, il avait un peu de mal à s’intégrer et de toute façon le niveau académique était un peu plus élevé, ce qui l’obligeait à rester plus longtemps sur ses devoirs et à étudier. Il traînait donc souvent seul dehors, à errer, à prendre en photo tout ce qui bouge et respire, tout ce qui flash à ses yeux et chantonne dans ses oreilles.

Dans un sens, la vie citadine a son propre charme : agressive et brute, une nature industrielle qu’il admire parmi le béton et les lumières tamisées. Il pouvait toucher ses murs plâtrés et ses platebandes jaunes, sentir les odeurs de pots d’échappement et sentir l’air chaud se tasser entre les bâtiments. Il n’y avait pas la magie de l’océan ou des arbres touffues, des oranges de Jéju et des maisons bancales peintes de blanc mais il y avait le vertige qui te prend quand tu lèves la tête pour regarder les buildings, les pigeons qui grossissent à vue d’œil quand on arrive près d’un fast-food, les gens arborant tous ce visage déconfit et ce gris, une multitude de nuances qui vous laisse penser que l’arc-en-ciel est pauvre à côté.

Finalement, il y a eu cette fille qui prenait toujours le même bus à la même heure, le même jour, alors au début, il restait discret et prenait en photo ses beaux cheveux longs virevoltant qui lui rappelait les feuilles en temps d’ouragan. Puis il se rapprochait et prenait ses belles chaussures polies et cirées. Et un jour il lui demanda s’il pouvait tout simplement la prendre elle, de haut en bas. Il avait la gorge serrée et la voix enraillée mais son cœur battait si fort et si vite, c’était si agréable de tomber amoureux.

A sa plus grande surprise, ils ont continué à parler, à se voir, à partager et échanger. Elle était sa première amie et petit à petit, il réussit à s’ouvrir un peu plus bien qu’ils n’étaient pas dans la même école. Elle lui montra que c’était possible de continuer à briller parmi cette ternissure poussiéreuse. Elle l’aida à retrouver le rayon de Soleil qu’il avait pu être. Bien sûr, vous vous en doutez, les choses ont aboutis à un amour profond et sérieux, les deux adolescents se sont mis ensemble au bout de 8 mois et à partir de ce moment, il était impossible de discerner l’un de l’autre. Ils étaient petits-amis.

Ses longs cils, ses ongles immaculées, ses yeux brillants et ses lèvres glossées, Nam Jin voulait tout embrasser chez elle. Judy était si jolie, Judy était si parfaite. Elle comptait sur lui et il comptait sur elle. Et bien qu’ils venaient de milieux sociaux différents, ils étaient sur un petit îlot de bonheur, de chaleur, ils pensaient que rien ne pouvait leur arriver.

Nam Jin pensait que rien ne pouvait les briser. Nam Jin comptait se fiancer avec elle à la fin du lycée.

Mais au suicide de la sœur jumelle Harley, leur vie prit un virage à 180 degrés, Judy n’était plus la même, elle était dévastée, son humeur changeait, son cœur balançait et Nam Jin se demandait si un jour elle s’en remettrait. Il se dévoua à elle et petit à petit, il sentit que les choses n’allaient pas être aussi facile qu'il l'aurait espéré. Il sentait que c’était le début d’une spirale infernale où il n’allait faire que s’inquiéter pour celle pour qui il était tombé amoureux, qu'il allait devoir survivre du mieux qu’il pouvait parmi ce raz-de-marée d’anxiété.


La réalité est que la morte n’est autre que celle pour qui il aurait pu tout sacrifier. Comment a-t-il pu manquer ça ? Comment a-t-il pu ne pas le remarquer ? Pourquoi ? Son visage depuis devint placide, figé et sclérosé. Aucun rictus ne s’affiche et ses yeux se sont vidés de toute la lumière qu’il avait pu rassembler depuis toutes ces années.

Son cœur bat-il encore ? Il s’en est tellement voulu de n'avoir rien vu, de n'avoir pas pu la sauver. Il s’en veut toujours autant. Et même s’il sait que ce n’est pas de sa faute mais celle de Harley…

Harley…

Rien qu’en prononçant son prénom, en le pensant, en le mimant sur ses lèvres, il a toujours des pics de rage incontrôlable, les veines sur ses tempes prêtes à exploser. C’est ce qui se passa le jour fatidique qui l’emmena sur cette foutue île. Un appel suffit à le pousser à bout. Il était 22h et Nam Jin vagabondait dans les rues de Daegu en peine et esseulé quand le numéro du commissaire de police s’afficha sur son téléphone. Il répondît. Et c’est ainsi qu’il apprit que la coupable, la traîtresse, la salope, c’était celle qui pensait réconfortait depuis tout ce temps. Ce fût une empoignante terreur et fureur qui le prit en même temps, Nam Jin était terrorisé de ces propres émotions débordantes.

Alors il marcha plus vite, larmes aux joues et sanglots graves et déchirants, il ne pouvait plus s’arrêter. Il se contint du mieux qu’il put, frappa dans un mur ou deux, donna des coups de pieds dans tout ce qu’il pouvait et par malchance, renversa une poubelle qui attira sur quelqu’un.

La personne se tourna d’un air menaçant mais Nam Jin avait l’air bien trop pitoyable pour des reproches, il était le client idéal. Alors le dealer l’approcha et lui sortit un petit sachet avec de jolies pilules multicolores dedans. Le garçon donna le peu d’argent qu’il avait, prit le sachet, avala un cacheton et les sirènes se mirent à retentir.

Bleu, rouge, bleu, rouge, c’était une scène inoubliable et insensés, le lycéen avait déjà perdu pieds. Il ferma les paupières et tomba en arrière dans ce puit sans fond. Nam Jin se noyait dans la mer de son enfance, il voyait le sourire d’une femme qu’il ne connaissait pas mais savait qu’elle était sa mère, il entendait la voix apeurée de son père, l’orage grondait et pouvait touchait la chevelure de Judy.

Toutefois quand il rouvrit les yeux, quand il sortit enfin de son bad trip et de cette réalité qui lui paraissait déformée, ce n’était plus que du sable sec et chaud et des visages étrangers.

Et Harley.