PETIT PULL MARINE

âge ; vingt-et-une bouffées d'air asphyxié qui l'étouffent.
lieu et date de naissance ; hanoï la belle aux hautes lumières qu'elle atteint pas, quatorze février.
origines ; c'est le doux mélange de la corée sudeste et du vietnam qui crève la dalle.
pays de provenance ; corée du sud aux odeurs épicées, celle qui lui manque et la fait pleurer.
langue(s) parlée(s) ; les sonorités mâchées du coréen et le roulement de l'anglais et plus un seul mot de vietnamien.
statut social ; c'est pas l'amour qui la tiraille c'est le sentiment du cœur qui t'échappe.
classe social ; c'est pas des ronds qu'ils avaient c'était des billes sans valeur et du riz deux fois par jour.
temps d'exil ; cinq ans et toute l'île imprimée dans l'esprit qui craque et qui s'effrite un peu.
crime présumé ; un meurtre, grave ils ont dit. puis de la drogue, trop pour eux. on lui a pas excusé ses seize ans et sa vie bancale.
innocence ; c'était pas elle, c'était pas eux, mais elle a fait tout comme et pas un merci pas un je t'aime.
casier ; des vols, des petits riens.
gang ; les chimères.

c'est la maison. c'est cinq ans trop longs à traîner dans les mêmes couloirs à grandes colonnes, à savoir les dessiner les yeux fermer, les deviner au toucher de la pierre dure qui s'use comme eux. c'est oanh qui fusionne avec leur monde, qui s'en dissocie plus, qu'oublie quels pays les entourent. elle l'aimait pas au début. silence de mort derrière les barreaux aux arabesques sans fin, regard chaotique qui pense mourir à chaque seconde qui file en coup de vent. égarée et pas envie de se retrouver, farouchement accrochée à ses seuls repères et pas un mot sympa, pas un mot tendre pour les autres. mais c'est la maison, c'est le foyer qui l'a vue grandir et qui la regarde se ruiner parce qu'ils sont tous bons qu'à ça ici.

à seize ans tu rêves de tout. ça grouille de folies là-haut, d'ambitions à deux balles, trop hautes et pas assez posées sur la terre. des grandes études, un bon métier. quelque chose de bien. réussir puis écraser le monde, le dominer, le bouffer tout entier, avec ses vices et ses vertus. pas de galères, pas de vols. des choses bien rangées, pas l'impression de vivre à un pied du vide sur un rocher qui tangue et qui vibre. des jolies robes fleuries et croisées puis autre chose que du riz. l'école qui dure plus longtemps. l'ordinaire amélioré, quelque chose qui serait normal mais admirable. détonner, impressionner. mais du ciel qu'elle voulait toucher elle a que la pluie et les orages qui tonnent puis qui la trempent de la tête aux pieds.