l'hypocrite, la reine et le roi sans visage [alek(s)]

Elle l’amuse. Comme un personnage qu’on voit à la télé, qui nous désespère mais en même temps, qui nous fait battre un peu le coeur, avec ses idioties. S’il y a bien quelqu’un qu’il ne comprend pas, c’est elle, et si auparavant la frustration aurait été nulle, il la sent gagner de plus en plus son coeur, plus les mois s’étirent sur l’île. Il repère ses mouvements, la voit s’éclipser, et de toute façon, a des gars qui le préviennent quand elle sort de son champ de vision. Il ne se pose pas de questions quand à la légitimité de son comportement envers elle : ça n’existe pas, ici, et c’est bien pour ça que l’île est un espace si enivrant. S’il veut faire quelque chose, il le fait, ça en enlève un peu l’adrénaline et pourtant, il y a des jours comme ça où on est surpris. Par soi même, d’entreprendre une tâche qu’on aurait pu reléguer, le voilà les pieds sur le sol à descendre de sa cabane, pour voir où la princesse s’en va. La traque n’est pas quelque chose qu’il connaît, et pourtant, on le croirait né pour : peut-être la légèreté de l’âme influe sur le poids de ses pieds. Silencieux entre les feuilles, fantôme dans la verdure, il passe presque inaperçu et encore un peu, on le confondrait avec le paysage. Elle par contre, il l’entend : elle a pas l’air de craindre qu’on la regarde, la suive, pourquoi après tout. Il se complait dans cette idée, en tout cas.  Il aime à croire qu’il imagine ce qu’elle pense, qu’il peut prévoir son moindre fait geste, c’est plus facile que d’oser anticiper le contraire. Avoir l’impression d’avoir toujours un coup d’avance, de ne jamais pouvoir être pris de court, est ce qui le définit : et ainsi, il arrive même à se persuader qu’il pourrait la retrouver sans même plus la voir. Il sait où elle va : peut-être simple illusion, puisqu’il ne teste pas la chose, ne s’écarte pas du chemin, voit un bout de sa chevelure dépasser à tout moment.

Grimace. Qu’est-ce qu’elle fout avec ce gars. Pour être honnête, Aleks a déjà eu à faire avec lui : un idiot de première, avec qui il avait essayé de trafiquer un peu hors des voies un peu plus visibles. ça n’avait pas mal tourné, puisque ça n’avait pas tourné du tout : dès les premiers mots, il lui avait fait signifier que ça n’allait pas marcher. Tant qu’à faire des choses pas très bien vues, autant les faire avec des gens qui ont assez de neurones pour que ça en vaille le coup. Qu’est-ce que tu fous princesse, caché par les bambous plus loin, il assiste à la scène. Faut avouer : elle ne se démonte pas. Inconscience ou véritable talent, il ne sait toujours pas démêler le positif du négatif avec elle, malgré les années à l’observer. Il aime tourner ses boulons, imaginer qu’elle va perdre complètement la tête et casser son image de petite fille parfaite, dès qu’elle est dans les environs. On est pas encore exactement à ce point là. N’empêche qu’il aime bien se dire que derrière la façade, il aperçoit des fissures. Lorsqu’elle est prise au dépourvu, c’en est presque plaisant. Rare sentiment.

Dégoût. Il la touche. Un pas hors de sa cachette, et pourtant il se fige, encore. Va-t-il oser ? C’est lui qui est inconscient, qui cherche à mourir. Si cela avait eu un quelconque intérêt pour lui, Aleks l’aurait achevé ici et maintenant, mais il ne voit pas l’intérêt de se foutre un cadavre sur le dos et briser la règle fondamentale pour cette poupée en mal d’amour. N’empêche qu’il a envie d’avancer. Il va avancer. Il avance.

Il a rien à dire. Un soubresaut d’égo l’empêche de sortir une phrase : passer pour le prince charmant de service très peu pour lui. “Ha désolé, je me promenais, je voulais pas interrompre un moment intime. Je suis comme ça, j’ai pas de manières.” lance-t-il à l’adresse d’Orihime. Il vient se planter à côté d’elle, fourre ses mains dans ses poches et vient regarder le gars. “Un problème ? C’est vrai qu’elle a du mal à savoir où est sa place, parfois. Moi aussi je la secouerais avec plaisir” Il esquisse un sourire. Rien de chaleureux là dedans : il n’est pas amusé, pas du tout. “Mais moi j’ai le droit, regarde” Il attrape l’épaule de la jeune femme, celle proche de lui, et la pousse, peut-être un peu trop violemment, mais pas assez pour qu’elle ne tombe par terre. “Il t’a payé d’avance au moins, princesse ? J’avais toujours pensé que tu serais à ton aise chez les chimères, mais je ne savais pas que tu avais commencé l’initiation. Je vais devoir te laisser partir ?” Il pince les lèvres et vient à nouveau jauger du gars qui a posé sa patte sur elle. N’empêche qu’il ne sait pas pourquoi, ça le met quand même en rogne, au fond. Il n’y a qu’avec elle qu’il se comparerait à un animal sauvage, incapable de contrôler ses instincts.

Il sait bien que ce n’est pas un hasard, que ces deux là soient ici. Ce qui l’embête, c’est ne pas savoir exactement en quoi consiste l’échange. Il voit bien l’alcool, il n’est pas bigleux, et elle se balade avec depuis chez eux. Mais elle attend quoi, en retour ?

Il a presque l’impression de sentir les envies de meurtre de la femme à côté de lui, suinter à travers ses pores. ça le satisfait beaucoup plus qu’il ne faudrait : d’habitude, ce n’est pas quelque chose qui lui plait particulièrement d’embêter les gens, c’est comme le reste, c’est juste pour passer le temps, mais avec elle, ça ressemble à du plaisir. Un de ses passe temps favoris, tellement qu’il pense parfois à lui faire une laisse et un collier, pour qu’elle puisse être toujours pas loin quand il a besoin de s’amuser un peu. Il s’amuse de ses manières et de ses sourires mielleux, ceux qui lui donnent envie de vomir ou de s’arracher la peau tellement ça lui semble faux. La langue de vipère, elle l’a déjà laissée filer à côté de lui, et de toute façon c’est comme ça qu’il la préfère. Il ne sait pas exactement pourquoi elle tient à garder ce côté fille gentille qui est le sien (et d’ailleurs, tout le monde s’accorde dessus : son apparence est parfaitement entretenue, aucunes failles, personne ne doute), sûrement un traumatisme d’enfance comme un autre, ou des parents un peu trop exigeants, en vrai il s’en fout comme de la dernière pluie. Il l’écoute parler, et lorsqu’elle semble avoir fini, prend la parole à son tour “Très malheureux en effet. J’ai de la chance, d’avoir une reine si à cheval sur les règles pour préserver l'intégrité de notre communauté.” Il en a des frissons, il n’aimerait pas être à la place du gars en face, qui devait supporter le regard de psychopathe d’Orihime sans paraître être impressionné. N’empêche que bien vite, on dirait qu’il fait la poule mouillée, il commence à rire de façon gênée. Il a sûrement compris que face à la parole de Guenièvre, la sienne ne fera pas vraiment mouche : il ne sert à rien de la jeter sous le bus en marche, ça ne lui évitera pas lui même d’aller au bûcher. Il reconnaît qu’au moins il est stupide mais pas à ce point là, et en le voyant faire un pas en arrière, Aleks se dit que c’est bon. De toute façon, il n’a guère d’intérêt dans ce que ce gars voulait faire : ce n’est pas de son côté qu’il va en retirer quoi que ce soit. “On est gentils. De généreux monarques. Tu peux partir, et à partir du moment où tu ne reviens jamais” Il vient rencontrer son regard “toi, ou un autre des tiens, t’engager dans ce genre d’échange” il lance un coup d’oeil sur le côté, vers Orihime. Parce que ce n’est pas drôle si le gars repart juste avec la frayeur de sa vie, il faut bien bloquer un peu la princesse, que ce qu’elle ait voulu obtenir soit deux fois plus difficile à avoir à partir de maintenant. “tu n’auras aucun problème. Souviens toi : où elle est, je ne serai pas loin” Il se tait là, laisse la phrase s’évanouir avec la brise, fait un mouvement de la main, histoire qu’il s’en aille d’où il est venu. Que la chandelle puisse vite partir et laisser la chance au couple royal d’avoir une petite conversation. L’impudent s’éloigne rapidement, lance un regard vers Orihime avant de s’évanouir entre les bambous.

Il vient se planter devant elle. “Un baiser pour ton chevalier ?” accompagné d’un demi sourire méprisant. Ce n’est que pour la forme, plutôt vomir que de poser ses lèvres sur les siennes, et il sait très bien qu’elle lui crachera à la tête avant de faire quoi que ce soit de ce genre. Mais bon, autant appuyer sur le fait qu’il l’ait sortie d’une situation délicate.