Yoon Seth. Abel's cursed sibling.

Elle mit encore au monde le frère de Caïn, Abel.
Une famille n'a besoin que d'un enfant. Un seul enfant c'est largement assez. En mettre un second ou un troisième au monde, c'est comme déclarer une guerre, créer un ennemi, lancer les hostilités. Une compétition déclarée entre deux être dont le même adn coule dans les veines s'enclenche alors et c'est à celui qui saura faire meilleur profit de son patrimoine génétique, celui qui réussira le mieux avec le même apport au départ. Mais la lueur dans ses yeux était profondément plus douce que la mienne, il avait une aura positive, quelque chose de lumineux et d'apaisant, alors que j'étais le mouton noir.

Abel devint berger et Caïn cultivateur.
Il excellait en cours, avait beaucoup d'amis, respectait les règles et se montrait poli et compréhensif. J'avais du repasser une classe, avais été convoqué plus d'une fois pour répondre de mes actes et on avait suggéré à mes parents de me laisser consulter un psy une fois par semaine au moins pour comprendre ma psychologie. Nos destins se dessinaient, il se plaçait aisément dans le stéréotype du gentil garçon alors que je devenais l'enfant sombre et difficile à gérer, on pouvait dire qu'il n'y avait pas grand chose qui nous réunissait.

L'Éternel porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande; mais pas sur Caïn et son offrande.
"Pourquoi n'es-tu pas comme Leto." Hm... C'était récurrent, ce genre de remarque. Il gagnait du terrain ce petit salaud, mais je ne m'avouais pas vaincu pour autant, mes instincts n'étaient pas endormis, au contraire, il se trouvait une petite voix au fond de mon crâne qui me murmurait de ne pas me sentir mal pour mes petits délits, que c'était normal, que je devais même les faire, apaisant les quelques élans de sympathie que je pouvais ressentir lorsque je repensais à mes méfaits. Il arrivait même, lorsque je devenais un peu trop sage, qu'elle ne vienne attiser un violent désir de venir allumer ce pauvre mouchoir posé sur la poubelle au coin du parc, celle près de mon école, ou simplement refaire le portrait à ce type qui m'avait bousculé.

Et Dieu lui dit : Qu'as-tu fait ? J'entends le sang de ton frère crier vengeance depuis la terre jusqu'à moi.
L'agacement, ainsi que la jalousie, sont des monstres aux griffes acérées, qui se loge au creux de votre ventre, installé confortablement contre vos organes vitaux, la tête lourdement posée sur votre coeur et vient un jour où ils commencent à se faire les griffes sur celui-ci, rendant le quotidien infiniment plus difficile que d'ordinaire. C'est sûrement pour ça que la voix s'était tant intensifiée cette fois. Observant tant de portraits du fils parfait recouvrir peu à peu les photos de famille a sans doute eu raison de moi. La vie est une chose fragile et les réussites que l'on pense acquises peuvent s'envoler, partir en cendres aussi vite qu'une maison. Mettre le feu à la mienne ne fut pas plus une épreuve que de passer un pauvre examen de maths, tout en sachant bien sûr que le fils prodige s'en irait avec ces murs.

Maintenant, tu es maudit et chassé loin du sol qui a bu le sang de ton frère versé par ta main.
J'ai donc été jugé coupable d'incendie et d'homicide volontaire à l'égard d'un membre de ma famille. Certains pensent que je suis la victime d'un odieux malentendu, d'autres voient en moi le monstre que je suis, quant au reste, ils préfèrent oublier ma personne pour faire le deuil de leur pauvre enfant disparu. Pour ma part, je commence une vie nouvelle, sur une terre vierge de toute réputation, du moindre on-dit. Quel plaisir que de redémarrer à zéro.